Le terme tynged (tynghedau au pluriel) provient du gallois et se traduit littéralement par « destin », mais sa signification dépasse largement l'idée d'une simple fatalité. Il représente un concept complexe mêlant les notions de tabou, de serment, d’interdiction, de destinée inéluctable ou encore d’épreuve initiatique. Au sein des mythes gallois, le tynged est présenté comme une forme de « loi » personnelle imposée par des entités – souvent féeriques – de l’autre monde. Il est alors intimement lié à des notions de responsabilité, de loyauté et de respect de l’autre monde.
Mon récent cheminement auprès de l’esprit du Fusain m’a amené à découvrir le lien qu’il entretient avec le concept de tynged, de tissage de destinée, mais aussi avec les entités féériques.
Le bois du Fusain façonnait autrefois les fuseaux – outil ancestral des fileuses – évoquant ainsi le fil de la vie lui-même, enroulé, tendu ou rompu par des mains invisibles. Chaque tour de fuseau, chaque filament tendu ou rompu, rappelle que le destin est une trame complexe tissée par des forces que l’on ne peut ignorer. Mais le Fusain est aussi un symbole de dualité, porteur de la profonde sagesse des tynghedau, les tabous et les serments de l’autre monde. Toxique et purificateur, le Fusain illustre la tension entre ce qui entrave et ce qui libère, entre l’interdit qui enferme et celui qui initie.
Le nom scientifique du Fusain est Euonymus europaeus, avec « Euonymus » signifiant « bon nom » ou « bien nommé ». Cette appellation flatteuse évoque celles des peuples féériques (« Bons Voisins » ou encore « Bon Peuple »), appellations visant plus à démontrer une certaine crainte et révérence qu’à les décrire. À l’image des faes, dont les dons cachent parfois des épreuves, le Fusain n’est jamais entièrement ce qu’il semble. Ainsi, il nous rappelle que certains interdits ne sont pas des chaînes, mais des passages. Traverser ces seuils, c’est affronter l’initiation de l’autre monde.
Les fruits du Fusain nous rappellent que tout ce qui attire n’est pas nécessairement sans danger et que la quête initiatique exige de dépasser les illusions du monde visible comme invisible. Tout comme les tynghedau, les fruits du Fusain sont à la fois défi et révélation, bénédiction et malédiction. Ce paradoxe, très présent dans les traditions féeriques, reflète l’ambiguïté des entités qui président au destin, souvent perçues comme dispensatrices de bienfaits autant que d’épreuves. Un rappel que les chemins imposés par les faes doivent être suivis, même dans l’obscurité et l’incompréhension de l’initiation.
Dans la légende de Troylus et Zellandine (voir le roman arthurien de Perceforest), qui inspira le célèbre motif de la Belle Endormie, le fuseau devient un outil du destin. Une piqûre, un sommeil profond, une épreuve : autant de motifs qui traduisent la logique implacable des tynghedau, comme des faes. Ces forces, parfois incomprises, ne sont pas là pour détruire mais pour créer, transformer. Dans cette histoire, le fuseau incarne la main invisible des « Bons Voisins » qui façonnent les destins des mortels, parfois au-delà de leur compréhension. Ces tynghedau sont aussi, bien souvent, des précurseurs nécessaires à la naissance ou la formation de héros (pour cette légende, il s’agit de la lignée de Lancelot).
L’esprit du Fusain appelle ceux qui osent l’approcher à respecter les serments, à affronter les épreuves nécessaires et à accepter les sacrifices que l’autre monde exige. C’est un esprit implacable mais juste, qui enseigne que certains interdits doivent être bravés pour révéler leur véritable nature, tandis que d’autres doivent être respectés, car ils protègent l’ordre invisible des mondes. Il est un allié pour ceux qui cherchent à comprendre les lois de l’autre monde, à naviguer entre les serments qui les lient et les tabous qui les façonnent. Il enseigne la dualité des poisons et des remèdes, tout comme les tynghedau sont à la fois des fardeaux et des bénédictions.
Ainsi, l’esprit du Fusain chuchote à qui veut bien l’entendre : le destin n’est pas une prison, mais une voie. Traverse-la avec courage, et elle t’ouvrira les portes de l’autre monde, là où les liens sacrés prennent tout leur sens.
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