À quel moment avons-nous commencé à qualifier de dieux toutes les figures qui traversent les mythes ? Pourquoi ce besoin de calquer sur nos traditions un prisme étranger, celui de la divinité gréco-romaine ou chrétienne ? Qu’est-ce que ce besoin viscéral de hiérarchie révèle sur notre vision et notre rapport à l’invisible ? Aujourd'hui, je vous invite à vous interroger, avec moi, à propos de cette tendance.
Vous le savez, je suis dans une dynamique dévotionnelle de réhabilitation de l’alliance qui existait autrefois entre les mondes. Mais afin de réconcilier humains et esprits, la première étape ne serait-elle pas de déconstruire nos projections afin de reconnaître leur vraie nature ? Comment imaginer rétablir confiance et hospitalité si nous dénions leur propre identité ?
La leçon du jour :
- Et si la véritable magie résidait dans notre capacité à voir l’invisible pour ce qu’il est vraiment ?
- N’oublions pas que chaque esprit de l’autre monde a une histoire, une voix qui mérite d’être entendue.
Et si nous réévaluions notre manière de percevoir et de qualifier les entités de nos territoires ? Nous avons pris l’habitude de systématiquement calquer la conception moderne et étrangère de divinité sur des figures plus anciennes et d’un substrat différent, sans vraiment questionner si ces termes sont adaptés. En réalité, le terme de « dieu », avec tout son bagage gréco-romain et judéo-chrétien, ne semble pas refléter les réalités spirituelles natives de nos terres. Alors, qu’est-ce qu'une divinité ? Et surtout, est-ce le terme le plus juste pour décrire les entités de l’autre monde ?
Et si nous réévaluions notre manière de percevoir et de qualifier les entités de nos territoires ? Nous avons pris l’habitude de systématiquement calquer la conception moderne et étrangère de divinité sur des figures plus anciennes et d’un substrat différent, sans vraiment questionner si ces termes sont adaptés. En réalité, le terme de « dieu », avec tout son bagage gréco-romain et judéo-chrétien, ne semble pas refléter les réalités spirituelles natives de nos terres. Alors, qu’est-ce qu'une divinité ? Et surtout, est-ce le terme le plus juste pour décrire les entités de l’autre monde ?
Le concept de dieu, utilisé à tout-va de nos jours, semble être un ajout extérieur, ramené par les influences culturelles et religieuses venues de divers envahisseurs. Les textes sources ne désignent pas (à ma connaissance) les figures mythologiques comme des dieux ou des déesses. Nombre de ces entités appartiennent à un spectre plus large, lié à l’autre monde : esprits, héros, ancêtres, magiciens, etc… dont la nature n’est pas hiérarchisée. Ce que nous percevons aujourd’hui comme divin est en réalité un reflet d’entités complexes, puissantes, mais intégrées aux cycles naturels et au tissu même de l'univers, plutôt que des figures supérieures, omnipotentes et extérieures. Alors, pourquoi avons-nous, et continuons-nous d’assimiler ces entités à des dieux ?
Prenons le terme « fay », issu du vieux français. Ce mot désigne des êtres « surnaturels », intimement liés à la terre et à ses cycles, agissant depuis les marges de l'invisible. Contrairement aux dieux, qui sont souvent vus comme extérieurs à la nature, les fays incarnent les forces changeantes du monde, interagissent avec les humains, et ne sont ni bons ni mauvais en essence. Leur nature est fluide : certains sont liés à des lieux spécifiques, comme des collines ou des sources, d'autres traversent les cycles de la vie, de la mort et de la renaissance, prenant diverses formes. Le monde féerique est alors un réseau complexe d’entités, chacune ayant sa propre relation avec le territoire.
Le terme « dieux » porte en lui un poids de hiérarchie, où certains êtres se trouvent au-dessus de la nature et du cosmos. Or, au sein de nos territoires, les esprits et entités ne sont pas séparés de la nature ; ils en sont les manifestations vivantes. La nature des fays nous rappelle que l’autre monde est un spectre, peuplé d’entités qui ne sont peut-être pas des divinités, mais qui n’en demeurent pas moins d'une influence immense. Au final, les entités natives de nos contrées ne seraient-elles pas plus proches des fays que des divinités ? Les fays ne seraient-elles pas la véritable nature des entités des traditions de nos territoires ?
Cette vision binaire qui oppose dieu et non-dieu n’est pas native de nos territoires. Le sacré, ici, est fluide, mouvant, fait de métamorphoses et d’échanges constants avec la nature et l’autre monde. Ces entités n'ont pas besoin d’être « élevées » au rang de dieux pour mériter vénération, intérêt ou respect. Et si la dévotion n'était pas une question de hiérarchie mais d'intimité avec les cycles de la vie, de la mort, et de la terre ? Je me demande également dans quelle mesure la colonisation de nos territoires par le concept de dieux ne reflète-t-elle pas une volonté de percevoir le monde en termes hiérarchiques ? Une approche aux antipodes de nos traditions, où un puissant animisme régnait et où la séparation entre ce qui est sacré et ce qui ne l'est pas n'était pas aussi nette.
Réhabilitons les esprits de nos territoires pour ce qu’ils sont : des intermédiaires, des gardiens, des éclats de l’autre monde dont la complexité dépasse de loin les catégories fixes de notre époque moderne. Réfléchissons à la manière dont nos termes influencent notre perception de l’invisible et nos relations avec lui. Au lieu de chercher des dieux à tout prix, peut-être devrions-nous renouer avec les fays et l’autre monde, riche et mouvant, sans réduire ces entités puissantes à des concepts qui ne leur correspondent pas.
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