Le Muscari, Larme d’Elfame
- Eryn Lyblace
- 25 juin
- 5 min de lecture
Il y a deux printemps, j’ai entrepris un voyage que je portais en moi depuis longtemps. Ce projet, je l’avais mûri des années durant — initialement prévu en 2019, il avait été plusieurs fois repoussé, mais n’avait jamais quitté mon horizon intérieur. Il y avait là-bas, au Pays de Galles, des territoires qui m’appelaient avec insistance. Des lieux que je n’avais encore jamais foulés physiquement, mais que j’avais déjà visités en rêve, en esprit, en voyage. J’y revenais sans cesse, comme on revient dans une maison lointaine dont on a gardé les clés. Ce n’était pas un simple voyage : c’était un retour.
Parmi les endroits qui ont marqué cette traversée, deux m’ont particulièrement bouleversée. Le premier fut Bryn Cader Faner, un cairn de pierres dressées perdu dans les landes, que je connaissais depuis longtemps et dont j’avais longuement attendu l’instant d’y poser les pieds. Il faisait partie de ces sites que l’on porte en soi avant même de les approcher. Le fait de pouvoir enfin m’y rendre, et d’y guider une amie, a été un acte profondément symbolique. J’y ai senti une forme de réaccordement, comme si mes pas rejoignaient enfin un chemin tracé depuis bien plus longtemps que moi. Le second fut le Llyn y Fan Fach, un lac de montagne enveloppé de brume, profond, silencieux, presque irréel. Là, au bord de l’eau, j’ai senti une présence ancienne me frôler — une forme de reconnaissance immédiate, comme si le lieu me voyait et m’attendait.
Ce voyage a agi comme un seuil. Quelque chose s’est rouvert. Et dans le sillage de ce retour, le Muscari s’est présenté à moi pour la première fois. De retour chez moi, je l’ai vu fleurir en tapis autour de la maison — comme chaque année — mais cette fois, quelque chose avait changé. Sa couleur m’a happée, ce bleu indigo presque surnaturel, si profond qu’il semble venir d’un autre monde. Une nuance irréelle, qui m’a parlé tout de suite du féérique, de l’invisible, des fils rompus qui attendent encore qu’on les retisse. Il portait en lui la vibration exacte de ce que j’avais touché là-bas : la mémoire d’un lien ancien, oublié, brisé peut-être, mais jamais tout à fait perdu. Le Muscari est venu recueillir ce fil rouvert. Ce que j’avais reçu sur les terres galloises, il me l’a rendu ici, chez moi, avec douceur et intensité. C’est lui qui m’a soufflé que le moment était venu de transmettre, de partager, de tisser à nouveau.
Depuis, le lien n’a cessé de se renforcer. Lors de mon second voyage cette année, le Muscari m’a de nouveau accompagné. Son énergie m’est revenue comme une évidence. Il ne s’agissait plus seulement de l’écouter pour moi, mais de recueillir sa voix pour la partager. J’ai compris qu’il était temps de transmettre ce qu’il m’avait appris. De le rendre accessible à celles et ceux qui, comme moi, ressentent cette blessure subtile et profonde : celle du lien spirituel oublié, trahi, effacé. Ce lien que l’on croyait définitivement perdu, et dont la mémoire pourtant vibre encore dans nos os, nos rêves, nos absences.
L’élixir de Muscari est né de ce fil retrouvé. C’est un élixir qui parle de la séparation, de la nostalgie de l’invisible, de la peine de ne plus entendre les esprits ni sentir leur présence. Il accompagne ces moments où l’on ne sait plus très bien si les signes ont disparu, ou si c’est nous qui avons cessé de les voir. Il panse la douleur de l’oubli, du reniement, du pacte brisé. Mais surtout, il n’impose rien. Il enseigne la lenteur. Il nous invite à renouer sans brusquer, à écouter les silences, à offrir au lieu de réclamer. À marcher à pas feutrés vers ce qui demande à être réhabilité.
Le terme gallois « hiraeth » désigne une forme très particulière de nostalgie, un sentiment profond et doux-amer, une mélancolie liée à la perte d’un lieu, d’un temps ou d’un état d’être auxquels on aspire mais que l’on ne peut plus rejoindre. Le Muscari incarne cette énergie, hiraeth. Il porte en lui la mémoire de ce lien rompu, de ce vide que l’on sent sans toujours pouvoir nommer. Mais loin de s’attarder dans la douleur, il invite à accueillir cette nostalgie comme un passage nécessaire, une porte vers la réparation et la réouverture du fil sacré. Avec lui, ce sentiment, hiraeth, cesse d’être un poids ; il devient semence, murmure et souffle porteur de retrouvailles. En travaillant avec le Muscari, on apprend à honorer cette mélancolie, non comme un enfermement, mais comme un chemin vers la réconciliation avec l’invisible, une réactivation douce et loyale des liens oubliés.
Le Muscari est donc l’allié des personnes qui souhaitent restaurer un lien animiste, mais ne savent pas toujours par où commencer. Il soutient celles et ceux qui entendent à nouveau l’appel des esprits mais doutent de leur légitimité, ou de la solidité du fil. Il veille sur les rituels de réparation, sur la réactivation des anciens pactes, sur les autels devenus muets. Il aide à souffler doucement sur les braises de traditions oubliées, à raviver une communication juste avec les présences qui veillent. Mais son action ne se limite pas à la magie. Il vient aussi toucher cette peine plus intime, plus indicible, celle qu’on ressent quand on a l’impression d’avoir perdu quelque chose de fondamental — sans toujours savoir quoi. Il agit comme un baume sur ces blessures muettes. Il ouvre un espace où la douleur peut être accueillie, honorée, transmutée. Où la nostalgie devient langue sacrée, et où chaque chagrin porte en lui une semence pour réécrire le lien.
Créer cet élixir a été une offrande.
À l’esprit du Muscari d’abord, pour tout ce qu’il m’a enseigné.
Et à celles et ceux qui, dans le silence de leur cœur, se souviennent encore.
Prenez-le comme on prend la main d’un ancien compagnon de route, retrouvé après une longue traversée.
Et...
Si toi aussi tu ressens cette nostalgie sourde, ce manque sans nom d’un lien que tu ne sais plus comment retrouver…
Si toi aussi tu as connu le silence là où il y avait autrefois des signes…
Si toi aussi tu marches avec la sensation d’avoir perdu quelque chose de précieux, sans savoir où chercher…
Si toi aussi ton cœur se souvient de présences que ta vie ne sait plus nommer…
Si toi aussi tu avances en portant une peine ancienne, liée à l’invisible, aux esprits, aux promesses oubliées...
Si toi aussi tu cherches à réparer, à retisser, à réentendre ce qui a été perdu ou trahi…
Si toi aussi tu veux rouvrir les portes de ta pratique animiste après une période de silence ou de doute…
Alors le Muscari est là pour toi.
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