La Dame des Poisons parle…
- Eryn Lyblace
- il y a 2 jours
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Je ne me contente pas de « travailler avec les plantes ». C’est une expression trop pauvre, trop moderne, trop mécaniste, pour désigner la réalité profonde de ce qui me lie à elles. Ce que je vis ce sont des relations, des alliances, des engagements. Elles ne sont ni des objets ni des ressources, et encore moins des outils à la disposition de notre confort ou de nos rituels. Elles sont des esprits, des êtres non humains mais tout aussi vivants et souverains, elles sont habitées d’une mémoire propre et d’un langage ancien que l’on ne peut approcher qu’avec lenteur, respect et sincérité. Ce sont des alliées, pas des moyens. Elles ne sont pas là pour nous servir — elles sont là pour être rencontrées. Non pas exploitées, mais écoutées. Non pas réduites à leurs propriétés, mais approchées dans leur entièreté, dans la complexité de leur corps, de leur présence, de leur puissance.
Tisser des liens avec elles ne consiste pas à accumuler des savoirs, ni à réciter des correspondances apprises, mais bien à entrer dans une relation vivante, incarnée, construite avec le temps, le respect, l’écoute attentive. Apprendre à connaître une plante, c’est s’ouvrir à son monde, l’écouter avec tout son corps, reconnaître sa singularité, et accepter d’être transformé par la relation. Il s’agit de la rencontrer dans sa totalité : son corps, son énergie, son territoire, son écologie, son caractère, son histoire, son essence. Il s’agit de l’écouter, de ressentir ce qu’elle attend, ce qu’elle refuse, ce qu’elle donne.
La plante est un seuil. Elle est ce lieu de jonction entre le monde tangible et le monde subtil, entre les corps et les esprits, entre le sol que l’on foule et l’immensité de l’invisible. Son corps est le fruit de son esprit, et son esprit se lit dans la chair végétale. Il n’y a pas de rupture entre matière et magie. Étudier la botanique, la chimie, la phytosociologie, ce n’est pas trahir le mystère : c’est y accéder plus profondément, lire les signes, décrypter les mythogrammes de l’invisible transcrits dans la forme, la couleur, la fragrance, l’écologie. Rien n’est laissé au hasard.
Vivre avec elles, œuvrer avec elles, c’est changer de paradigme. Ce n’est plus extraire, consommer, interpréter. C’est s’asseoir, écouter, attendre. C’est apprendre la lenteur du dialogue sincère, le langage sans mot, l’alliance librement consentie. Une relation qui se déploie non pas dans l’extraction ni dans le contrôle, mais dans le consentement, dans la réciprocité, dans l’alliance. Le spirit-work ne s’enracine ni dans les grimoires ni dans les formules : il naît dans le silence d’un sous-bois, dans le regard posé sur une tige courbée, dans la main qui n’arrache pas, mais caresse. Il commence par la relation.
Je me bats pour cela : pour que cesse cette vision utilitaire, consumériste et désenchantée du végétal. Pour que l’on cesse de parler des plantes comme de simples supports thérapeutiques ou ésotériques, comme si leur pouvoir n’existait qu’en fonction de ce qu’elles nous apportent. Je me bats pour redonner voix à ces esprits que l’on ignore, que l’on arrache, que l’on enferme dans des flacons sans jamais leur demander leur consentement. Je me bats pour qu’on apprenne à les écouter avant de les invoquer, à les connaître avant de les utiliser, à les aimer pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’elles donnent.
Ce renversement d’approche — de l’usage à l’alliance — ainsi que cette relation profonde aux plantes-esprits s’inscrit pour moi dans un animisme radicalement décentré, où l’humain cesse d’être le centre et le sujet, pour devenir un membre parmi d’autres d’un vaste écosystème d’esprits, visibles et invisibles. Car œuvrer avec les plantes ne devrait jamais être une dynamique unilatérale. C’est une relation à double sens. Une rencontre exigeante, patiente, construite, où l’on apprend à se taire, à se décentrer, à faire place. Là où beaucoup recherchent la maîtrise, j’ai choisi l’alliance. Là où certains cherchent à obtenir, je m’efforce d’accueillir.
Cette approche, que je poursuis depuis des années, a progressivement façonné une posture que je définis aujourd’hui comme une prêtrise des plantes. Une prêtrise qui n’a pas de dogme, pas d’église, pas de livre sacré — mais qui a des terres, des saisons, des souffles, des présences. Une prêtrise qui s’inscrit dans la quotidienneté, dans la matière, dans la connaissance fine des espèces, dans l’observation de leur comportement, de leurs interactions, etc. Mais aussi dans le tissage invisible de relations spirituelles : ce regard que l’on échange avec l’invisible, cette sensation qui traverse la peau, cette voix qui murmure dans le rêve. Prêtresse, oui, mais de celles qui arpentent les sentiers broussailleux, les haies vives, les seuils — pas les temples de pierre. Car mon temple est la terre. Et ce sont les esprits qui l’habitent qui dictent mes pas.
Mon chemin est donc celui d’une prêtrise végétale, qui se passe d’autels de pierre pour se consacrer au vivant. Une dévotion sans hiérarchie, car dans la grande ronde des esprits, nul n’est au-dessus de l’autre. Les divinités, les faes, les ancêtres, les plantes : tous sont des visages de l’autre monde. Tous méritent attention, écoute, respect. Il ne s’agit pas de se vouer au plus puissant, au plus célèbre ou au plus anthropomorphe, mais de reconnaître la souveraineté des esprits dans leur diversité.
Ma vision des plantes repose sur un animisme assumé, radical, incarné : un monde habité, où chaque être, visible ou non, détient une forme de conscience et un pouvoir de relation. Et c’est elle qui fonde l’intégralité de ma pratique : une pratique du lien, de la relation, de la responsabilité. Chaque esprit végétal est pour moi un individu avec qui je chemine. Une personne-esprit. Une présence. La relation prime. Elle est au cœur de tout. C’est elle qui structure ma démarche animiste : une spiritualité du vivant, sans hiérarchie, sans anthropocentrisme, dans laquelle les plantes ne sont ni moins ni plus que les autres esprits — mais pleinement elles-mêmes.
Dans cette cosmologie, les plantes ne sont pas en bas de l’échelle : il n’y a d’ailleurs pas d’échelle. Il n’y a qu’un vaste entrelacs d’êtres, une communauté d’esprits dont nous faisons partie, mais que nous avons trop longtemps oubliée, méprisée ou instrumentalisée. Je me bats pour faire tomber cette illusion de domination spirituelle, cette verticalité apprise, et retrouver le cercle. Le cercle du vivant, du sacré, du sensible.
Ce n’est pas un acte anodin que d’entrer en lien avec un végétal. C’est un processus de tissage, de dialogue, d’apprentissage. Il suppose l’écoute attentive, la lenteur, la disponibilité, la reconnaissance de l’altérité. Il suppose aussi, parfois, le refus, l’absence, le silence — autant de formes de réponse que l’humain doit réapprendre à respecter.
Certaines de ces plantes, notamment les plus marginales ou les plus redoutées, celles que l’on nomme toxiques, venimeuses ou « dangereuses », m’ont appelée à marcher avec elles sur ce que j’appelle la Voie des Poisons. Une voie exigeante, qui requiert à la fois une rigueur scientifique et une disponibilité mystique, une connaissance fine des corps et une ouverture inconditionnelle à l’esprit. Le poison, dans ce contexte, est un pont. Il est ce qui dérange, ce qui force à l'humilité, ce qui exige que l'on se dépouille des illusions de contrôle. Le poison enseigne le respect, l’écoute, la transformation. Il est enthéogène : il fait naître le divin en soi.
J’ai appris à connaître ces plantes que l’on craint, que l’on exorcise, que l’on interdit — Le poison, ici, n’est pas un mal. Il n’est pas une menace. Il est un seuil. Une énergie de transformation. Il est ce qui dérange nos repères, ce qui ouvre l’accès aux autres mondes. Une main tendue par les esprits qui exigent que l’on se défasse de notre toute-puissance. Les poisons m’ont appris à dire non. À poser mes limites. À entendre celles des autres. À ne pas confondre la curiosité et la possession.
Les plantes toxiques sont souvent les plus liminales. Elles nous invitent à danser aux lisières, entre perception et hallucination, entre connaissance et oubli. Mais elles ne se résument pas à des molécules ni à des effets. Ce ne sont pas des substances : ce sont des entités. C’est à elles qu’on s’adresse, non à leurs alcaloïdes. Leur usage n’a de sens qu’inscrit dans une relation tissée, profonde, constante. La Voie des Poisons demande une mise à nu, un dépouillement, une honnêteté absolue. Elle commence toujours par une initiation intérieure : celle du miroir sombre. Les plantes toxiques sont là pour transmettre une médecine différente — une médecine de la frontière, de la métamorphose, de la profondeur. Ce sont des plantes-esprits exigeantes, qui testent notre capacité à entrer en lien avec intégrité.
Loin des clichés sensationnalistes ou esthétisants qui pullulent autour de cette voie, je m’efforce de réhabiliter les plantes dites toxiques dans leur intégrité : ni diabolisées, ni fétichisées, mais reconnues comme ce qu’elles sont — des êtres d’une puissance singulière, des initiatrices profondes, des esprits exigeants. Je refuse qu’on continue d’éradiquer des êtres vivants sous prétexte qu’ils échappent à notre contrôle, au nom d’une soit disante sécurité ou morale. Leur toxicité n’est pas un obstacle, mais une signature ; elle enseigne la responsabilité, la précision, la retenue, l’humilité. Elle nous force à quitter l’avidité pour embrasser la justesse. Elles ne pardonnent ni l’imprudence, ni l’arrogance. Et c’est précisément pour cela qu’elles sont précieuses : elles nous forcent à grandir, à dépouiller notre pratique de toute complaisance, à ne plus nous mentir.
Mais encore faut-il comprendre ce que l’on fait. La responsabilité est au cœur de cette voie. Car ce sont nos ignorances, nos projections et nos légèretés qui ont mené à la diabolisation, puis à l’interdiction, et parfois à la disparition, de certaines plantes. Ce sont ces dynamiques extractives, utilitaristes, sensationnalistes qui ont coupé les esprits de leurs territoires. Qui les ont poussés dans les brumes. Qui nous ont rendus sourds à leurs appels. Travailler avec les poisons demande de s’éduquer, de se former, de connaître. Il ne suffit pas d’avoir croisé une plante toxique pour parler au nom de son esprit. Il faut s’engager. Tisser. Apprendre. Être honnête sur ce que l’on sait, et sur ce que l’on ne sait pas. Et toujours, faire de l’espace à l’esprit.
Car ce n’est pas leur toxicité qui les rend dangereuses. C’est notre irresponsabilité. Trop souvent, la solution choisie face à la puissance est l’interdiction. L’arrachage. L’oubli. Mais une plante toxique n’est pas un danger si l’on prend le temps de la connaître, si l’on comprend sa nature, ses voies d’action, ses seuils. C’est l’ignorance qui tue, pas la plante. Et c’est pourquoi je parle autant d’éducation que de pratique : pour redonner aux gens les moyens d’entrer en lien avec lucidité, sans peur ni inconscience, avec humilité et rigueur. Car la Voie des Poisons est une voie de connaissance incarnée, pas un spectacle.
Œuvrer sur la Voie des Poisons, c’est donc conjuguer les savoirs ésotériques et botaniques, c’est comprendre que chaque plante possède à la fois un corps et un esprit, et que ces deux dimensions sont indissociables. Leur forme, leur écologie, leur chimie, loin d’être de simples données techniques, traduisent l’expression visible de leur essence invisible. Il ne s’agit pas de fuir le monde matériel pour rejoindre un ailleurs abstrait, mais au contraire de plonger au cœur du vivant, dans sa texture la plus incarnée, pour y lire les signes de l’autre monde, les mythes codés, les messages discrets que l’esprit tisse dans la matière.
Le territoire, lui, est le socle vivant de ces relations. Il n’est pas un décor, mais un partenaire. C’est en revenant à lui, en re-sacralisant la terre, les haies, les bois, les friches, les lisières, que nous pouvons retisser le lien avec les esprits. Les esprits des plantes sont liés aux lieux, aux saisons, aux cycles du vivant. C’est là leur magie. Elles ne se laissent pas arracher à leur sol sans conséquences. La terre est leur temple, tout comme elle est le mien. C’est là que se tissent les relations, que se jouent les alliances. Le territoire devient sanctuaire. Être en lien avec les esprits végétaux, c’est redonner sa souveraineté au lieu, reconnaître le génie du sol, réancrer le sacré dans l’humus.
Je me bats pour réancrer ce sacré dans la terre. Pour rappeler que le temple est sous nos pieds, que la forêt est un sanctuaire, que les collines sont des autels, que la brume est une liturgie. Je me bats contre l’oubli des esprits du territoire, contre le désert spirituel qu’a engendré notre volonté de séparer l’invisible du sol, les esprits du vent, les mystères du vivant. Je crois que les plantes sont les gardiennes des seuils, qu’elles sont les voix du territoire, et que c’est à travers elles que l’on peut retrouver le chemin de l’autre monde.
Dans ce maillage serré entre sol, souffle et esprit, il est une pratique que je chéris particulièrement : celle de l’onguent de vol. Non pas l’onguent fantasmatique qui promet des visions éclatantes à qui veut les consommer. Mais l’onguent comme tissage. Comme alliance. Comme talisman du lien. L’onguent n’est rien sans les esprits qui l’habillent, sans le rituel qui l’anime, sans la sorcière qui y insuffle son histoire. Il est une porte, non un bouton. Un onguent n’a de sens que s’il est porteur d’un tissage réel, sincère, entre les mondes. Il ne fonctionne pas parce qu’il contient des molécules psychotropes, mais parce qu’il est habité. Il est vivant. Il est une passerelle façonnée par l’expérience, le respect, et la magie partagée. C’est pourquoi chaque onguent est unique. Chaque vol est unique.
Un onguent n’est jamais “magique” par nature : il l’est par les esprits qui le soutiennent. Il ne produit rien sans lien. Il ne vaut rien s’il n’est pas habité. Il ne fonctionne que parce qu’il s’inscrit dans une histoire, une écoute, un territoire. Il est une ancre, pas un raccourci. Et il n’existe pas un onguent, mais autant d’onguents que de sorcières, car chacun est une alchimie singulière entre perception, chemin et tissage spirituel. Il ne s’agit pas d’une substance magique provoquant des hallucinations, mais d’un cheminement, d’un processus, d’un rituel. Il est l’écho d’une synergie entre la sorcière, ses esprits, son territoire, ses perceptions.
Je me bats pour que l’onguent de vol soit compris non comme un produit, mais comme une offrande. Non comme une recette, mais comme un pacte. Il ne s’agit pas de fuir, de planer, ou de posséder, mais de s’ouvrir à l’invisible dans une danse précise, humble et enracinée. L’onguent n’est pas magique par nature. Il devient magique par alliance. Être hedgerider ne dépend pas d’une recette. Cela dépend d’une écoute. Cela dépend de l’attention portée aux seuils, aux marges, aux signes. Cela dépend d’une manière d’habiter le monde qui soit à la fois ancrée dans le corps et tendue vers l’invisible.
Ce monde-là — l’autre monde — n’est pas un ailleurs figé ou fantasmé. Il est enchevêtré dans celui-ci. Il est dans les haies, les lisières, les marges. Il est dans le territoire, dans la manière dont on l’habite. Le territoire est mon sanctuaire. Ce sont ses chemins, ses plantes, ses bruissements qui m’apprennent à entendre, à sentir, à œuvrer. C’est par lui que passent les esprits. Ce sont les collines, les bois, les sources, les pierres, qui portent leur empreinte. Et je suis convaincue que si tant d’esprits nous paraissent aujourd’hui lointains ou silencieux, c’est parce que nous avons oublié que le monde était habité.
Ma vision des plantes est donc inséparable d’un engagement : je me bats pour restaurer les liens brisés entre l’humain et les esprits du vivant. Je me bats pour redonner leur voix aux oubliées, leur dignité aux diabolisées, leur mystère aux rationalisées. Je me bats pour que l’on réapprenne à marcher à travers ce monde non pas en conquérant, mais en invité. En allié. En passeur. Car ce monde est encore habité. Il suffit d’oser se souvenir.
Ce que je souhaite transmettre à travers ma pratique, mes écrits, mes créations, c’est cela : une vision où la relation prévaut sur la technique, où la responsabilité est indissociable de la magie, où la beauté n’est jamais coupée du respect. Un monde où les plantes parlent encore, pour peu qu’on leur accorde le silence nécessaire pour les entendre. Un monde où la sorcellerie redevient un art de la relation, un art du tissage, un art du seuil.
C’est cela que je veux transmettre. Cette manière de voir les plantes, de les sentir, de les écouter. Ce rapport animiste, non extractif, profondément incarné et pourtant entièrement tourné vers l’autre monde. Un chemin de respect, de lien, de magie. Un chemin qui ne cherche pas à utiliser, mais à communier. Un chemin qui honore la souveraineté de la plante, son esprit, son territoire. Et qui, en retour, nous transforme.
Et si les clés de l’autre monde ne se trouvaient pas dans les grimoires oubliés, mais dans les ombres des feuilles, dans l’amertume d’une racine, dans le chuchotement d’une tige au crépuscule ? Alors, peut-être, serions-nous enfin prêts à entendre ce que les esprits des plantes cherchent à nous murmurer depuis toujours. Je parle d’un monde où l’on cesserait de parler à la place des plantes, pour enfin les écouter. Car les plantes n’ont jamais cessé de nous parler. Nous avons simplement cessé de les entendre.
Alors je continuerai à marcher avec les plantes, avec leurs ombres et leurs lumières. À écouter les murmures du territoire. À composer mes onguents. À parler pour celles qu’on oublie. À défendre celles qu’on détruit. À honorer celles qui m’enseignent.
C’est pour cela que je me bats. Pour qu’on cesse de réduire les plantes à ce qu’elles nous apportent, et qu’on commence à les rencontrer pour ce qu’elles sont. Pour qu’on abandonne les dynamiques de pouvoir au profit de dynamiques de relation. Pour qu’on réhabilite les esprits oubliés et qu’on rende à la terre sa souveraineté. Pour qu’on recrée des lieux de passage, des espaces de cohabitation, des territoires d’écoute. Je me bats pour que l’on apprenne à œuvrer avec les plantes dans le respect, la conscience, la réciprocité, la lenteur. Pour que la spiritualité redevienne un art du lien, et non un champ d’exploitation. Pour que le sacré s’enracine, enfin, dans la terre, dans le vivant, dans l’invisible qui bruisse tout autour.
Voilà ce qui me guide.
Voilà ce que j’incarne.
La Dame des Poisons.
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